Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
F1 LE FILM ★★★☆☆
De Joseph Kosinski
L’essentiel
En plongeant une star vieillissante (Brad Pitt) dans un tourbillon supersonique, Joseph Kosinski applique la recette de Top Gun : Maverick à la F1 et signe un blockbuster aux grosses ficelles scénaristiques, mais vraiment grisant.
Brad Pitt incarne un ancien enfant prodige de la F1 dont la carrière s’est crashée dans les années 90, appelé à la rescousse par un vieux copain dont l’écurie est au plus mal. Et très vite, on saisit l’ambition de F1 le film : il ne s’agira pas ici de surprendre qui que ce soit, seulement d’envoyer des rushs d’adrénaline savamment dosés, au bon moment. Kosinski y redéploye la formule magique des scènes d’avion de Top Gun : Maverick. Cette sensation d’être dans la course. Dès lors, on pardonnera beaucoup à F1. Son scénario, par exemple, qui semble avoir été écrit à la va-vite sur un coin du bureau de son producteur Jerry Bruckheimer, Entre deux séquences de courses ultra- grisantes, tournées au cœur de vrais grands prix, F1 slalome 2h35 durant entre les archétypes usés, au fil d’un film à la fois véloce et lourdaud qui procure le même genre de plaisir naïf que la lecture des Michel Vaillant de l’âge d’or – pimpé par un arsenal technologique dernier cri. Brad Pitt y exploite à fond son côté terrien, costaud, yankee nourri au grain, un peu macho sur les bords – très Steve McQueen. Et si on pardonne beaucoup de choses à ce film, c’est aussi grâce à lui.
Frédéric Foubert
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A AIME
13 JOURS 13 NUITS ★★★☆☆
De Martin Bourboulon
Kaboul, août 2021. Les talibans prennent d'assaut la capitale afghane et l'Histoire bascule en treize jours. C’est cette parenthèse sanglante, que Martin Bourboulon chronique en adaptant l'ouvrage du commandant Mohamed Bida, avec l'instinct d'un reporter de guerre et des effets hollywoodiens et change de braquet. On pense à Vol 93 ou à La Chute du faucon noir, cette manière de transformer l'actualité chaude en matière palpitante. Mais dans une version française, où l’on n’a jamais peur des sentiments et où le classicisme serait la rambarde la plus sure pour éviter les pièges du genre (le voyeurisme ou l’action sans queue ni tête). Pour Bourboulon, l’histoire n’est pas un prétexte, mais une tragédie. Et pour la porter à incandescence, il fallait un acteur qui pèse. On l’a : tout en muscle et intensité brute, Roschdy Zem infuse sa présence marmoréenne d’un parfum lyrique. L’exercice consistant à transformer en tension ce que les spectateurs ont vécu en direct était périlleux mais Bourboulon signe une oeuvre qui capte avec justesse et vibration les soubresauts du monde contemporain.
Gaël Golhen
Lire la critique en intégralitéAMELIE ET LA METAPHYSIQUE DES TUBES ★★★☆☆
De Liane- Cho Han et Maïlys Vallade
Si le cinéma s’est déjà emparé de ses livres (Stupeur et tremblements de Corneau…), c’est la première fois qu’un roman d’Amélie Nothomb connaît une adaptation animée. En l’occurrence le récit autobiographique de l’enfance de cette petite Belge née au Japon et de l’influence de la servante nippone de la maison familiale qui l’avait prise sous son aile. Découvert à Cannes, cet Amélie… est d’abord un régal pour les yeux. Le travail du duo Mailys Vallade- Liane- Cho Han sur la matière, les aplats de couleur évoquant tour à tour le pastel ou la gouache donne la sensation que leurs personnages évoluent à l’intérieur d’une succession de tableau. Un écrin parfait pour le récit de la construction de cette personnalité hors norme dans ce Japon des années 60, encore profondément marquée par les fantômes de Nagasaki et Hiroshima comme le laisse superbement entrevoir le personnage de la propriétaire de la maison, méfiante envers les Occidentaux. Un bijou.
Thierry Cheze
REFLET DANS UN DIAMANT MORT ★★★☆☆
De Hélène Cattet et Bruno Forzani
Dans un palace de la Côte d’Azur, un vieil espion se demande si ses anciens ennemis jurés ne sont pas de nouveau à ses trousses. Pour les contrer, il replonge dans le souvenir de ses anciens exploits… Reflet dans un diamant mort est le quatrième film du duo Hélène Cattet - Bruno Forzani, explorateurs fétichistes des formes les plus excitantes de l’âge d’or du cinéma populaire des années 60 et 70. Après le giallo (dans Amer et L’Etrange couleur des larmes de ton corps) et le polar revu à la sauce spaghetti (Laissez bronzer les cadavres), ils sondent ici la mémoire des films d’espionnage sixties, de James Bond au Danger : Diabolik ! de Mario Bava. Prenant la forme d’un kaléidoscope, nourri de références à l’Op Art, le film questionne les principes d’hypnose et d’illusion inhérents au cinéma. Au-delà du plaisir d’esthète, il s’agit, aussi, de se demander ce que ce genre qui envoûta les foules recelait de violence machiste, de soumission à un hédonisme mortifère. A la fois amoureux et critique, expérimental et ironique (en gros, c’est comme si Satoshi Kon avait réalisé un OSS 117), le film vibre d’une extraordinaire pulsion de vie cinéphile.
Frédéric Foubert
ONCE UPON A TIME IN GAZA ★★★☆☆
De Tarzan et Arab Nasser
Un titre en forme d’épopée cinématographique. A moins qu’il s’agisse pour les frères jumeaux Nasser d’assumer le conte et prendre ainsi leurs distances avec un réel qui renvoie Gaza à son unique statut de ville martyr. Par un effet anachronique le film débute par une récente saillie de Trump qui rêve d’une bande de Gaza en « Côte d’Azur du Moyen-Orient » L’action du récit se déroule bien avant, en 2007, année qui a vu le Hamas prendre le pouvoir de l’enclave entraînant un isolement de la population. On suit un dealer sympathique, par ailleurs propriétaire d’un restau de falafel, rançonné par un flic corrompu. Au milieu du guet, un jeune romantique sera bientôt privé du droit de rêver. Le bon, la brute et le truand à Gaza aurait aussi fonctionné. Le récit mêle habilement ironie et drame, gravité et légèreté jusqu’à sanctifier et sacrifier l’un de ses héros par l’absurde. Car oui, dans cette ville repliée sur elle-même la vie sous cloche oblige à jongler avec ses sentiments.
Thomas Baurez
AU RYTHME DE VERA ★★★☆☆
De Ido Fluk
Si ce titre un peu passe-partout ne ment pas sur la marchandise (Il est bien question d’une Véra et de musique), il cache l’éléphant dans la pièce : le pianiste soliste américain Keith Jarrett et son fameux Köln Concert de 1975, transe improvisée devenue hit discographique (quatre millions d’exemplaires vendus) Cette fiction documentée rend compte du parcours d’une jeune Allemande de 18 ans (Véra donc !), férue de jazz qui va se démener pour convaincre le musicien réputé fuyant de se produire à l’Opéra de Cologne devant un public pas forcément conquis d’avance. Tout joue contre elle : le seul piano disponible est une épave, Jarrett (John Magaro) fait la fine bouche… De ce récit « behind the scenes », Ido Fluk tire une fiction dynamique et réjouissante qui évite la sacralisation, pour preuve le fameux concert est avalé par une ellipse. C’est bien Véra (Mala Emde) qui impose le rythme de l’ensemble.
Thomas Baurez
SOUS HYPNOSE ★★★☆☆
De Ernst de Geer
André (Herbert Nordrum, le « crush » de Renate Reinsve dans Julie en 12 Chapitres) et Vera (épatante Asta Kamma August) s’aiment, vivent et travaillent même ensemble sur une application autour de la santé féminine. Mais la pression monte à l’approche d’un séminaire dédié aux startupers et censé les préparer à convaincre des investisseurs de l’intérêt de leur projet. Vera en profite pour essayer d’arrêter de fumer grâce à une séance d’hypnose qui va faire craquer le vernis idyllique : la jeune femme troque soudain sa timidité pour une spontanéité inattendue et fait fi des conventions sociales… Il y a du Ruben Östlund dans ce premier film du Suédois Ernst De Geer, qui se questionne sur les rôles sociaux (au sein du couple, dans la famille, au travail…) que nous nous imposons. Une comédie du malaise parfaitement réglée, où le discours creux de la tech et les egos masculins sont atomisés.
François Léger
STRANGER EYES ★★★☆☆
De Siew Hua Yeo
Mort d’angoisse depuis le rapt de leur fille, un jeune couple singapourien commence à recevoir anonymement des DVD d’images semblant d’abord liés à l’affaire puis dévoilant peu à peu leurs vies intimes. Il y a du Caché de Michael Haneke dans ce film- puzzle, raconté successivement à travers des points de vue différents qui se vit mois comme un suspense sur les retrouvailles de l’enfant que comme une réflexion pertinente car riche en contradictions sur une société placée sous système de caméras de surveillance généralisé.
Thierry Cheze
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoM3GAN 2.0 ★★☆☆☆
De Gerard Johnstone
On aimait beaucoup M3GAN premier du nom, variation sarcastique sur le thème de la poupée diabolique, qui cherchait autant à flanquer la frousse qu’à satiriser ces parents qui adorent coller des joujoux connectés entre les mains de leurs chères têtes blondes, dans le but d’avoir la paix. Qu’ajouter à ça ? M3GAN 2.0 n’a pas grand-chose à dire de plus et quitte les terres du petit film d’horreur Blumhouse pour celles de l’action SF, en une sorte de variation en jupe plissée sur Terminator 2. AM3LIA, nouvelle IA surpuissante employée comme mercenaire par l’armée américaine, échappe au contrôle de ses concepteurs. Gemma, l’ingénieure du premier film (Allison Williams), n’a alors d’autre choix que de ressusciter M3GAN, qui se met en chasse d’AM3LIA aux côtés des gentils. Des blagues aux scènes d’action, tout ce qui suit est très convenu. Un peu du charme espiègle et de l’esprit camp du premier film subsiste néanmoins dans les dialogues de M3GAN, qui continue de balancer des punchlines persifleuses de son irrésistible voix de cyber-poupée détraquée.
Frédéric Foubert
ANGE ★★☆☆☆
De Tony Gatlif
Ethnologue spécialisé dans la musique et les traditions gitanes, Ange (Arthur H, épatant) entreprend un voyage à travers la France pour retrouver un ami à qui il doit de l’argent. Et en chemin, croisera des hommes et des femmes perdus de vue et se découvrira même une fille cachée qui l’accompagnera… Ce road movie musical s’inscrit pleinement dans l’œuvre et l’univers de Tony Gatlif, l’homme de Gadjo Dilo, mais sans y apporter une touche originale. Et cet air de déjà vu abime le plaisir pris devant ces pérégrinations joyeuses, teintées d’une émotion jamais feinte.
Thierry Cheze
La reprise La Soif du mal, de Orson Welles
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