L'ancien Nul replonge dans la potion magique avec Astérix et Obélix : le combat des chefs. Une nouvelle adaptation réussie des aventures du petit gaulois. Fidèle et libre à la fois, drôle et émouvante, cette mini-série est un carton. Pour Première, le cinéaste revient sur ce projet fou, plus de 20 ans après son Mission Cléopâtre.
PREMIÈRE : Pourquoi cette BD ? Pourquoi avez-vous choisi d’adapter Le Combat des chefs en série ?
ALAIN CHABAT : C'est très intuitif. J'adore cet album qui fait pour moi partie de l'âge d'or de la série. Mais ce qui m'intéressait particulièrement, c'est que l'intrigue se passe essentiellement dans le village. Avec Mission Cléopâtre, j'avais fait un album voyage ; les Gaulois quittent la Gaule – qu'on ne voit quasiment pas – et sillonnent le monde. Adapter Le Combat nous obligeait à nous concentrer sur les personnages ; on ne pouvait plus se cacher derrière l'exotisme.
C'est un des reproches qu'on a pu faire à Mission Cléopâtre : vous aviez mis Astérix et Obélix dans le fond…
Je n'ai jamais trop compris ça parce que, honnêtement, Astérix et Obélix étaient aussi là. Certes, ce n'était plus un duo, mais un trio avec le personnage de Jamel, Numérobis…
Et celui d’Otis…
Oui, Baer également, c'est vrai. Mais les deux Gaulois restaient au cœur de l'action quand même. C'est vrai que la vie du village, les relations entre les personnages récurrents, l'ambiance particulière de cette collectivité, ça m'attirait.

Ça a toujours été pensé comme une série plutôt qu’un long-métrage comme Mission Cléopâtre ?
Pas du tout. En discutant avec Netflix, Dominique Baze, qui s'occupe de l'animation chez Netflix, m'a très vite fait comprendre que j'étais libre. C'était, au début, un film. Mais l'idée d'un long métrage qu'on va regarder sur un téléphone… Bon. Et un jour, elle m'a dit : "Si tu veux le faire sur un autre format, on te suit. Raconte l'histoire que tu as envie de raconter dans le format qui convient le mieux à l'histoire." En développant l'histoire avec Benoît Ouillon et Piano, le projet a pris forme et on s'est dit qu'il y avait de quoi faire une mini-série.
« Mission Cléopâtre est une aventure qui trace sa route : ils ont trois mois pour faire le palais, et il y a des tonnes d'embûches. Là, chaque personnage a un arc et un chemin à faire »
Vous le disiez, il y a de l’émotion et de la tendresse dans Le Combat des chefs. Et vous vous concentrez sur les personnages. Plus de vingt ans après Mission Cléopâtre, qu’est-ce qui a changé dans votre façon d’approcher cet univers ?
La différence est à mon avis visuelle et littéraire. Comme je le disais, ça n'avait rien à voir dans l'écriture. Mission Cléopâtre est une aventure qui trace sa route : ils ont trois mois pour faire le palais, et il y a des tonnes d'embûches. Là, chaque personnage a un arc et un chemin à faire. Et il y a un problème à régler : qui est le chef. Qui est le chef entre Astérix et Obélix ? Qui est le chef entre Abraracourcix et son rival ? Qui est le chef entre César et sa mère ? Mais c'est surtout sur le plan visuel qu'on s'est amusé. Même si on a beaucoup regardé les dessins d'Uderzo pendant la prépa de Mission Cléopâtre pour essayer d'être le plus fidèle possible, on travaillait avec des acteurs humains, avec des peaux, des cheveux, des gueules... Parfois on se disait : "Ce n'est pas du tout ce costume.", mais c'était pas grave. Là, on était vraiment avec le dessin d'Uderzo. On avait le nez sur ses planches jusqu'à la dernière semaine. Il m'arrivait de me demander : "Mais d'où sort ce bleu ? Comment il a fait ? Et ce dynamisme, c'est quoi le secret ?"

Le trait d’Uderzo est légendaire. Comment avez-vous réussi à traduire son énergie en 3D sans trahir sa spécificité ?
Netflix m'a présenté des gens absolument incroyables, que ce soit Fabrice Joubert ou Aurélien Prédal qui a fait la direction artistique. Les dessinateurs qui ont fait le character design sont vraiment de très grands artistes. Et on a travaillé à l'américaine, avec un sculpteur qui modelait les personnages en argile. J'avais envie d'aller dans une direction très dynamique. Spider-Man: Across the Spider-Verse m'avait vraiment bluffé et je voulais utiliser toutes les récentes révolutions de l'animation contemporaine. Mais tout cela devait d'abord rendre hommage au trait d'Uderzo, à sa rondeur, à son énergie et à sa spécificité. C'est une période magique. C'est un moment où les albums ont vraiment un style cartoon, avec une patate graphique hallucinante – disons que ça court jusqu'aux Jeux Olympiques où, après, Obélix se développe et devient plus élancé par exemple. Il fallait qu'on arrive à rendre cette puissance et ce mouvement avec les outils 3D, garder cette énergie 2D à la Chuck Jones ou Fritz Freleng, cet aspect cartoon Warner ultra énergique. J'avoue que j'ai été bien épaulé sur le plan de la technique. D'autant que c'était la première fois que je pensais "animation".
« Spider-Man: Across the Spider-Verse m'avait vraiment bluffé et je voulais utiliser toutes les récentes révolutions de l'animation contemporaine »
Ça fait donc deux adaptations… Maintenant, vous devez savoir : qu’est-ce qui définit l’essence d’Astérix ? Pourquoi est-ce que ce petit Gaulois traverse les générations et continue de fasciner ?
Je crois que c'est vraiment cette alchimie entre des personnages profondément humains, avec leurs défauts, leurs qualités, et un univers qui parle de résistance, d'amitié, de communauté. Ces thèmes sont intemporels. Et puis il y a cette magie entre le trait d'Uderzo et l'écriture de Goscinny, ce mélange parfait entre l'aspect visuel et narratif. C'est comme si chaque case contenait plusieurs niveaux de lecture – l'enfant y voit l'aventure, l'adolescent découvre la satire, et l'adulte apprécie toutes les références historiques et culturelles. C'est ce qui fait le caractère presque sacré de cette saga.
Astérix et Obélix : le combat des chefs, mini-série en 5 épisodes à voir sur Netflix depuis le 30 avril.
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